Page:Weil - Intuitions pré-chrétiennes, 1951.djvu/35

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tion non agissante de Dieu, qui se retrouve d’ailleurs dans plusieurs textes chrétiens ; aussi les passages du Banquet sur la douceur de l’Amour, qui ne fait pas violence, qui est obéi volontairement ; aussi ces vers d’Eschyle :


Zeus précipite à bas de leurs espoirs
hauts comme des tours les mortels anéantis,
mais il ne s’arme d’aucune violence.
Tout ce qui est divin est sans effort.
Assise en haut sa sagesse sait
de là accomplir toute chose, de son siège pur.

(Suppliantes d’Eschyle, v. 95 sq.)


Dieu ne fait pas violence aux causes secondes pour accomplir ses fins. Il accomplit toutes ses fins à travers le mécanisme inflexible de la nécessité sans y fausser un seul rouage. Sa sagesse reste en haut (et quand elle descend, c’est, comme nous le savons, avec la même discrétion). Chaque phénomène a deux raisons d’être dont l’une est sa cause dans le mécanisme de la nature, l’autre se place dans l’ordonnance providentielle du monde, et jamais il n’est permis d’user de l’une comme d’une explication sur le plan auquel appartient l’autre.

Cet aspect de l’ordre du monde doit aussi être imité par nous. Une fois un certain seuil passé, la partie surnaturelle de l’âme règne sur la partie naturelle non par violence mais par persuasion, non par volonté mais par désir.


90 a

Il faut concevoir au sujet de la partie de l’âme à laquelle revient, la souveraineté en nous que Dieu l’a donnée à chacun comme un être divin. Cet être, j’affirme qu’il habite sur le sommet de notre corps, et que par sa parenté avec le