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à l’Amour. Car toute impiété se produit quand on ne cherche pas à plaire à l’Amour ordonnateur, quand on ne l’honore pas, quand on ne le vénère pas en toute action ; mais l’autre, l’Amour de la démesure… Ce qui est assigné à l’inspiration prophétique, c’est de surveiller et de guérir les amours. La prophétie est ouvrière d’amitié entre les dieux et les hommes par la science des amours humaines dans leur rapport avec la justice et l’impiété.

L’Amour ordonnateur, c’est l’Amour divin, l’Amour de la démesure, c’est l’Amour démoniaque.


188 d

L’amour qui a sa perfection dans le bien avec la retenue et la justice, celui-là, soit chez nous, soit chez les dieux, possède la puissance suprême et il nous prépare une complète félicité en nous rendant capables de camaraderie et d’amitié entre nous et avec ceux qui valent plus que nous, les dieux.



Discours d’Aristophane


189 d

L’Amour est parmi les dieux le plus ami des hommes, leur défenseur et le médecin des maux dont la guérison serait pour l’espèce humaine la suprême félicité.


Cette comparaison entre l’Amour et un médecin, comparaison que le Christ dans l’Évangile applique à sa mission, concerne ici, comme pour le Christ, la guérison du péché originel. C’est le péché originel qui est ce mal dont la guérison constituerait pour l’homme la suprême félicité. Car aussitôt après ces lignes vient dans le texte de Platon une histoire de la félicité primitive de l’homme, de son péché, de son châtiment. Cette histoire demande à être interprétée.

L’homme était autrefois un être complet. Il avait deux visages, quatre jambes et était capable de mouvements circulaires. Il fut coupable d’orgueil et tenta de monter au ciel (ceci rappelle la Tour de Babel, mais aussi le péché