Page:Weil - Intuitions pré-chrétiennes, 1951.djvu/54

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Donc l’Amour est l’égal de Zeus. Noter que quoique ces superlatifs soient des superlatifs de relation, il faut les comprendre comme des superlatifs absolus, car il n’y a pas chez Platon un polythéisme enfantin.


195 d

Il ne marche pas sur le dur, mais sur le tendre… Car il établit son habitation dans les cœurs et les âmes des dieux et des hommes et non pas dans toutes les âmes ; s’il en rencontre une dont le caractère soit dur, il s’en va vers celle dont le caractère est tendre, il s’y établit… Il est donc très jeune et très délicat, de plus sa substance est fluide. Car autrement il ne serait pas capable de s’insinuer de toutes parts et à travers l’âme tout entière, et il ne pourrait pas passer inaperçu comme il fait, au début, quand il entre et quand il sort, s’il était fait d’une matière dure. Une grande preuve qu’il a pour essence la proportion et la fluidité, c’est la beauté de sa forme, beauté incomparable selon l’opinion universelle, car il y a guerre perpétuelle entre la difformité et l’Amour. La beauté de son teint est indiquée par son habitation habituelle parmi les fleurs, car l’Amour ne se pose pas sur un corps ou sur une âme ou sur toute autre chose qui soit sans fleur, qui ait perdu sa fleur, mais tout lieu embelli de fleurs et de parfums, c’est là qu’il se pose et demeure.


L’Amour est représenté ici comme un dieu enfant, ce qui est d’ailleurs conforme à une certaine tradition. Quelques lignes plus haut, Agathon a critiqué Phèdre, l’auteur du premier discours, pour avoir dit, en s’appuyant sur l’autorité des Orphiques, d’Hésiode, de Parménide, que l’Amour est le premier et le plus ancien des dieux. Agathon affirme qu’il est le plus jeune. Il faut comprendre que les deux propositions, quoique contradictoires, sont vraies, que l’Amour est absolument antique et absolument jeune.

Agathon donne comme argument les histoires de