Page:Weil - Intuitions pré-chrétiennes, 1951.djvu/66

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plus l’effort, la volonté, le travail, qui influent dans l’intelligence, l’énergie susceptible de la rendre pleinement efficace. C’est uniquement le désir, à savoir le désir du beau. Ce désir, à partir d’un certain degré d’intensité, et de pureté, est la même chose que le génie. À tous les degrés, il est la même chose que l’attention. Si on comprenait cela, on concevrait l’enseignement tout autrement qu’on ne fait. On se rendrait compte d’abord que l’intelligence ne s’exerce que dans la joie. C’est même peut-être la seule de nos facultés à laquelle la joie soit indispensable. L’absence de joie l’asphyxie.

Les lignes où l’Amour est représenté comme un instituteur de toutes les techniques sans exception, le rapprochent plus nettement encore que tout ce qui précède de Prométhée, qui dit dans Eschyle : « Toutes les techniques sont venues aux mortels de Prométhée. » Il dit aussi que Zeus lui-même est soumis à la Nécessité, laquelle le condamne à un malheur, dont lui, Prométhée, peut seul l’affranchir. C’est encore une analogie.

Le rôle de l’Amour comme auteur de la naissance et de la croissance de tous les vivants le rapproche de Dionysos et d’Artémis, ainsi d’ailleurs que d’Osiris. Il y a là un entrelacement de symboles. Comme l’union des sexes chez les plantes et les animaux est l’image de l’Amour surnaturel, ainsi la croissance des sentences et germes produits par cette union comme des particules d’abord infinitésimales est une image de la croissance du royaume de Dieu en nous. C’est ce que signifie le grain de grenade de Proserpine, le grain de sénevé et le grain de blé de l’Évangile. La propriété de la chlorophylle de capter l’énergie solaire est aussi une image de la fonction médiatrice de l’Amour divin.


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C’est lui qui nous vide d’hostilité, qui nous emplit d’ami-