Page:Weil - Intuitions pré-chrétiennes, 1951.djvu/67

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tié, qui établit ainsi toutes les espèces de réunions par lesquelles nous ne pouvons nous rencontrer les uns les autres, qui se fait notre guide dans les fêtes, dans les chœurs, dans les sacrifices. Il nous procure la douceur, il chasse de nous la sauvagerie. Il donne libéralement la bienveillance, il ne donne pas de haine. Il est propice aux bons, objet de contemplation pour les sages, d’admiration pour les dieux. Il vaut d’être poursuivi quand on en est exclu, d’être possédé quand on y a part. Il est père de la volupté tendre, des délices, des grâces, de l’attrait, du désir. Il est attentif à tout ce qui est bon, il néglige ce qui est mauvais. Dans la peine, dans la crainte, dans le désir, dans le raisonnement, il est le pilote, le guerrier, le gardien, le sauveur parfait, il est l’ordre de tous les dieux et de tous les hommes, le guide beau et parfait que tout homme doit suivre en chantant des hymnes, en prenant part à sa belle voix, par laquelle son chant touche l’esprit de tous les dieux et de tous les hommes.



Discours de Socrate


Socrate, dans cet ouvrage, ne parle pas en son nom, il répète les enseignements que lui a donnés une femme très sage, qui était venue à Athènes accomplir un sacrifice et qui, par ce sacrifice, éloigna de dix ans la peste d’Athènes. Son sexe, les circonstances et les mots d’initiation et de mystère qu’elle emploie sans cesse montrent assez qu’il s’agit d’une prêtresse de la religion d’Éleusis. Le Banquet est une réponse suffisante à ceux qui croient que Socrate et Platon méprisaient les mystères. Il y a là aussi une indication suffisamment claire que la doctrine contenue dans cet ouvrage n’est pas issue d’une réflexion philosophique mais d’une tradition religieuse. Diotime commence par faire comprendre à Socrate que l’Amour étant désir de bien, de beauté et de sagesse, n’est ni bon, ni beau, ni sage, quoique, bien entendu, il ne soit pas non plus laid, mauvais ni ignorant. Agathon a dit tout à