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ment c’est le bien, c’est Dieu. Nous sommes des fragments détachés de Dieu.

« Il n’y a pas d’autre objet d’amour pour les hommes, sinon le bien. » Par conséquent, sinon Dieu. Nous n’avons pas à chercher comment mettre en nous l’amour de Dieu. Il y est. Il est le fond même de notre être. Si nous aimons autre chose, c’est par erreur, par l’effet d’un quiproquo. Comme quand on court avec joie vers un inconnu, dans la rue, parce que de loin on l’a pris pour un ami. Mais tout ce qui est médiocre en nous, par instinct de conservation et au moyen de toutes sortes de mensonges, essaie de nous empêcher de reconnaître que ce que nous aimons perpétuellement du premier au dernier instant de la vie, n’est pas autre chose que le vrai Dieu. Car dès que nous le reconnaissons, toute la médiocrité en nous est condamnée à mort.

Dans la République il y a un passage plus beau et plus fort sur ce thème.



République, livre VI, 505 e


(Le bien est) ce que poursuit toute âme, ce pourquoi elle fait toutes choses, devinant que c’est quelque chose, mais étant dans une impasse et incapable de saisir suffisamment ce qu’il peut être. Et là-dessus une croyance ferme ne peut pas lui servir comme c’est le cas pour le reste. Pour cette raison elle manque aussi les autres choses et l’utilité qu’elles peuvent enfermer.


Platon compare cet amour du bien qui est toujours en nous à la vue, et la révélation du bien à la lumière. D’où cette description métaphorique de la conversion.