Page:Weil - Intuitions pré-chrétiennes, 1951.djvu/90

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(Remarquer que Platon ici ne regarde comme légitime en fait d’amour charnel que celui qui est dirigé vers la génération des enfants, ce qui réfute les accusations calomnieuses d’immoralité.)

Les étapes du progrès de l’âme décrites ici mènent de la considération de la beauté physique chez un être à la considération de la beauté physique partout où elle se trouve. De là à la beauté des âmes, de là à la beauté dans les lois et les institutions, de là à la beauté dans les sciences, de là on parvient à l’accomplissement de l’amour, à la contemplation de la beauté elle-même.



Banquet, 210 d, 211 a, 211 b


… afin qu’il voie la beauté des sciences et regarde enfin vers l’abondance de la beauté… se tournant vers la vaste mer du beau et la contemplant, il enfantera des doctrines vastes, belles et grandes et beaucoup de pensées dans une philosophie généreuse jusqu’à ce qu’étant ainsi fortifié et mûri, il discerne une science unique qui est celle du beau que voici.

Car celui qui en est venu à ce point de l’éducation amoureuse, en considérant les belles choses dans l’ordre et correctement, parvenu à l’accomplissement de l’amour, soudain il contemplera une espèce miraculeuse de beau… Tout d’abord éternellement réel, qui ne naît pas, ne périt pas, ne s’accroît pas, ne s’épuise pas. Puis ce n’est pas une beauté qui soit belle sous un aspect, laide sous un autre, belle à un instant et non à un autre, belle sous un rapport, laide sous un autre, belle en un lieu, laide en un autre, belle pour les uns, laide pour les autres. Et le beau ne lui apparaîtra pas comme étant un visage ou des mains, ou quoi que ce soit de corporel, ou une doctrine, ou une science, et il ne lui apparaîtra nullement comme résidant dans une chose, dans un être vivant, ou dans la terre ou le ciel ou dans quoi que ce soit. Ce sera le beau lui-même, par lui-même, avec lui-