Page:Weil - Intuitions pré-chrétiennes, 1951.djvu/93

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des voix nocturnes, répartiteur ». Tout cela s’applique bien à la lune, la dernière épithète à cause des mois. Remarquer qu’en forçant un peu, on peut retrouver dans le jour, le mois et l’année quelque chose comme, le rapport de médiation. L’Hippolyte d’Euripide n’est explicable que par une identification d’Artémis et de Dionysos, car Hippolyte est un orphique, initié aux mystères d’Éleusis. L’arc d’Artémis et d’Apollon, la lyre d’Apollon et d’Hermès (car Hermès, d’après l’hymne homérique, est le dieu enfant inventeur de la lyre) rappellent par leur forme le croissant lunaire. Pan lui aussi est un dieu cornu. Son nom veut dire tout. Platon nomme sans cesse l’Âme du Monde le tout et il dit dans le Cratyle que Pan est le λόγος (logos). Beaucoup de choses se trouvent éclaircies dans la mythologie si on suppose que tout ce qui a rapport à la lune, à des cornes parce qu’elles sont images de la lune, et à la sève, végétale, symbolise le Verbe. D’autre part des divinités comme Athéna et peut-être Héphaïstos semblent correspondre au Saint-Esprit. Athéna a été enfantée par Zeus seul. Héphaïstos est fils d’une union légitime. Tous les autres enfants de Zeus viennent d’une union adultère. C’est peut-être là un symbole du scandale, de la folie qu’implique l’union de Dieu et de sa créature. En ce cas tous ces enfants de Zeus seraient des noms du Verbe. Hestia le feu central est le Saint-Esprit.)

Le beau absolu est quelque chose d’aussi concret que les objets sensibles, quelque chose qu’on voit, mais par la vue surnaturelle. Après une longue préparation spirituelle, on y a accès par une sorte de révélation, de déchirure : « Soudain, il apercevra une espèce miraculeuse de beau. » C’est la description d’une expérience mystique. Ce beau n’est pas modifié quand les belles choses naissent