Page:Weil - Intuitions pré-chrétiennes, 1951.djvu/99

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dans mon malheur ne peut venir. Puisqu’il est déterminé, il faut
que le sort soit porté le mieux qu’on peut, je sais bien que
de la nécessité invincible est la force.
Mais ni la taire, ni ne pas la taire, mon infortune,
je ne le puis dans cet état, aux mortels j’ai donné
une grâce, et ces nécessités me soumettent, malheureux.
Dans le creux d’une férule j’ai capturé du feu
la source dérobée, institutrice de l’art,
de tout art, pour les mortels, et grand trésor.
C’est la rançon d’une telle faute que je paie
dans l’air, enchaîné et cloué.
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Voyez-moi enchaîné, un misérable dieu,
que Zeus hait, que tous les dieux
ont pris en haine, tous ceux qui
fréquentent la cour de Zeus,
parce que j’ai trop aimé les mortels.
Hélas, hélas, quel mouvement est-ce que j’entends,
tout près, d’oiseaux ? Dans l’air la légèreté
des ailes qui battent doucement siffle.
Tout me fait peur qui m’approche.
....................
 … voyez
comme je suis maintenu par une agrafe !
De cet abîme, sur le haut des rochers,
une garde que nul n’envie sera mon lot.
....................
Si seulement sous la terre, sous la demeure d’Hadès
accueillant aux cadavres, dans l’immensité
du Tartare il m’avait jeté ! Que de chaînes indissolubles
cruellement m’enserrent, mais seulement que ni dieu
ni quelque autre être n’y puisse prendre plaisir.
Mais dans l’air ballotté misérablement,
mes ennemis font leur joie de ma souffrance.(V. 158.)
....................
(Zeus)(V. 187.)
Son vouloir sera tendre un jour, lorsque,