Page:Weil - La Condition ouvrière, 1951.djvu/105

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

leur instigation, je vais demander à Leclerc si je pars à 7 h. Il me répond sèchement : « Vous n’allez pas venir pour faire 2 h., tout de même ! » Philippe le soir me fait attendre je ne sais combien de temps, pour m’embêter. Mais moi, saisie par le dégoût…

On dirait que, par convention, la fatigue n’existe pas… Comme le danger à la guerre, sans doute.


Semaine suivante : lundi 7 à vendredi 12.

Lundi, mardi. — Commencé à 7 h. carton de 3 500 pièces (laiton ?)

Mercredi. — 8 000 pièces, ou à peu près dans ma journée : fini le carton de la veille (à 10 h.45). Fais carton de 5 000 (recommencé à 11 h. 45). Termine à 6 h. [dîner avec A.]. Épuisée. C’étaient des pièces faciles (je ne sais plus au juste lesquelles ; laiton, puis acier, je crois). « Rythme ininterrompu. »


Jeudi. — Brisée, crevée par l’effort de la veille, vais très lentement.


Vendredi. — Filet. Femme de l’Italien.

Soir : réunion R. P. — Louzon ne me reconnaît pas. Dit que j’ai changé de figure. « Air plus costaud » –



Incidents notables.


Le régleur en gris (Michel) et son mépris pour les 2 autres, surtout le « ballot ».

Le mauvais montage qui casse la fraise ; incidents. Le monteur ballot avait mis un montage qui n’allait qu’à moitié. En appuyant sur la fraise, il arrive plusieurs fois que la fraise s’arrête. Une fois déjà ça m’était arrivé, et on avait dit : « Elle n’est pas assez serrée. » Je vais donc chercher le régleur, et lui demande de serrer plus. D’abord, il ne veut pas venir. Il me dit que c’est moi qui appuie trop. Enfin il vient. Dit : « Ce n’est pas là (en montrant les blocs de serrage de la fraise) mais là (en montrant la poulie de l’arbre porte-fraise et la courroie) que ça fatigue » (???). S’en va. Je continue. Ça ne va pas. Enfin une pièce se bloque dans le montage, casse 3 dents… Il va chercher Leclerc pour me faire engueuler. Leclerc l’engueule, lui, à cause du choix du montage, et dit que la