Page:Weil - La Condition ouvrière, 1951.djvu/119

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et de me réveiller assez tôt. Le temps était un poids intolérable. La crainte — la peur — de ce qui allait suivre ne cessait d’étreindre le cœur que le samedi après-midi et le dimanche matin. Et l’objet de la crainte, c’étaient les ordres.

Le sentiment de la dignité personnelle tel qu’il a été fabriqué par la société est brisé. Il faut s’en forger un autre (bien que l’épuisement éteigne la conscience de sa propre faculté de penser !). M’efforcer de conserver cet autre.

On se rend compte enfin de sa propre importance.

La classe de ceux qui ne comptent pas — dans aucune situation — aux yeux de personne… et qui ne compteront pas, jamais, quoi qu’il arrive (en dépit du dernier vers de la 1re strophe de l’Internationale).


Question de Det. (solidarité ouvrière).

Problème : conditions objectives telles que 1o Les hommes soient des chics types et 2o produisent.


On a toujours besoin pour soi-même de signes extérieurs de sa propre valeur.


Le fait capital n’est pas la souffrance, mais l’humiliation.

Là-dessus, peut-être, que Hitler base sa force (au lieu que le stupide « matérialisme »…)

[Si le syndicalisme donnait un sentiment de responsabilité dans la vie quotidienne…]


Ne jamais oublier cette observation : j’ai toujours trouvé, chez ces êtres frustes, la générosité du cœur et l’aptitude aux idées générales en fonction directe l’une de l’autre.


Une oppression évidemment inexorable et invincible n’engendre pas comme réaction immédiate la révolte, mais la soumission.

À l’Alsthom, je ne me révoltais guère que le dimanche…

Chez Renault, j’étais arrivée à une attitude plus stoïcienne. Substituer l’acceptation à la soumission.