Page:Weil - La Condition ouvrière, 1951.djvu/124

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Travail beaucoup plus concret, il me semble — observer combien de temps il passe dans son bureau.

Remarques sur le genre d’attention que réclame le travail manuel (mais en tenant compte 1o du caractère spécial du travail que je fais, 2o de mon tempérament).

< Quand tu seras à l’arrêt, débrouille-toi pour sortir de temps à autre… >

< Il te faut une discipline de l’attention toute nouvelle pour toi : savoir passer de l’attention attachée à l’attention libre de la réflexion, et inversement. Sans quoi ou tu t’abrutiras, ou tu bouzilleras le travail — c’est une discipline. >


Manœuvres spécialisés : tous des hommes (cependant le magasinier m’a dit qu’il y avait des découpeuses spécialisées — mais je n’ai jamais vu une femme toucher à une machine autrement que pour la conduire). Montent leurs propres machines (conseillés au besoin par le régleur). Doivent savoir lire les dessins, etc. Comment ont-ils appris à monter une machine ? À élucider.

« Manœuvres sur machines. » Femmes. Leur seul contact avec les machines consiste, semble-t-il, à savoir les pièges de chacune, i. e. les dangers de pièces loupées que chacune comporte. Elles arrivent à percevoir que quelque chose ne va pas à telle ou telle machine dont elles sont familières. Cela pour celles qui ont des années d’usine.

Le chef d’atelier n’aime pas que les ouvrières momentanément sans travail soient réunies à beaucoup pour causer. Sans doute craint-il qu’il ne s’engendre ainsi un mauvais esprit… Les ouvrières ne songent pas à s’étonner de choses de ce genre, et ne se demandent pas le pourquoi. Leur commentaire : « Les chefs, c’est fait pour commander. »

[1] Drame à l’usine aujourd’hui (jeudi). On a renvoyé une ouvrière qui avait loupé 400 pièces. Tuberculeuse, avec un mari chômeur la moitié du temps, et des gosses (d’un autre, je crois), élevés par la famille du père. Sentiment des autres ouvrières, mélange de pitié et du « c’est bien fait pour elle » des petites filles en classe. Elle était, paraît-il, mauvaise camarade et mauvaise ouvrière. Commentaires. Elle avait allégué l’obscurité (après 6 h. ½, on éteint toutes les lampes). « Et moi, j’ai bien

  1. Voir page 38.