Page:Weil - La Condition ouvrière, 1951.djvu/199

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de comprendre ce qu’est l’organisation et la gestion d’une entreprise industrielle.

C’est une idée hardie, sans doute, et peut-être dangereuse. Mais qu’est-ce qui n’est pas dangereux en ce moment ? L’élan dont sont animés les ouvriers la rendrait peut-être praticable. En tout cas je vous demande instamment de la prendre en considération.

Je conçois ainsi la question de l’autorité, sur le plan de la pure théorie : d’une part les chefs doivent commander, bien sûr, et les subordonnés obéir ; d’autre part les subordonnés ne doivent pas se sentir livrés corps et âme à une domination arbitraire, et à cet effet ils doivent non certes collaborer à l’élaboration des ordres, mais pouvoir se rendre compte dans quelle mesure les ordres correspondent à une nécessité.

Mais tout ça, c’est l’avenir. La situation présente se résume ainsi :

1o Les patrons ont accordé des concessions incontestablement satisfaisantes, d’autant que vos ouvriers se sont trouvés satisfaits à moins.

2o Le parti communiste a pris officiellement position (quoique avec des périphrases) pour la reprise du travail, et par ailleurs je sais de source sûre que dans certains syndicats les militants communistes ont effectivement travaillé à empêcher la grève (services publics).

3o Les ouvriers de chez Renault et sans doute des autres usines ignorent tout des pourparlers en cours ; ce ne sont donc pas eux qui agissent pour empêcher l’accord.

J’ai écrit à Roy (qui aujourd’hui est absent de Paris) pour lui donner ces renseignements, et je les ai également transmis à un militant responsable de l’Union des syndicats de la Seine, un camarade sérieux et qui leur a accordé l’attention convenable.

Tout ce que je vous dis là se rapporte à la situation présente ; car le refus de la convention conclue entre les patrons et la C. G. T. (15 à 7 %) semble avoir été au contraire tout à fait spontané.

Bien sympathiquement

S. Weil.


Je reviendrai sans doute à Paris demain soir pour 24 h. Il est extrêmement pénible et angoissant de devoir rester en province dans une pareille situation.