Page:Weil - La Condition ouvrière, 1951.djvu/198

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Conclusion : il est certain à présent qu’il y a manœuvre. Mais de qui ? Maurice Thorez a fait un discours invitant clairement à mettre fin à la grève.

J’en arrive à me demander si les cadres subalternes du parti communiste n’ont pas échappé à la direction du parti pour tomber aux mains d’on ne sait qui. Car il est assez clair que tout se fait encore au nom du parti communiste (Internationale, banderoles, faucilles et marteaux, etc., à profusion), quoiqu’il coure le bruit d’une mauvaise réception faite à Costes.

J’en reste toujours à mon idée, peut-être utopique, mais la seule issue, il me semble, autre que l’État totalitaire. Si la classe ouvrière impose aussi brutalement sa force, il faut qu’elle assume des responsabilités correspondantes. Il est inadmissible et en dernière analyse impossible qu’une catégorie sociale irresponsable impose ses désirs par la force et que les chefs, seuls responsables, soient contraints de céder. Il faut ou un certain partage des responsabilités, ou un rétablissement brutal de la hiérarchie, lequel n’irait sans doute pas, de quelque manière qu’il se fasse, sans effusion de sang.

J’imagine très bien un chef d’entreprise disant en substance à ses ouvriers, une fois le travail repris (si les choses s’arrangent tant bien que mal, provisoirement) : on entre de votre fait dans une ère nouvelle. Vous avez voulu mettre fin aux souffrances que vous imposaient depuis des années les nécessités de la production industrielle. Vous avez voulu manifester votre force. Fort bien. Mais il en résulte une situation sans précédent, qui exige de nouvelles formes d’organisation. Puisque vous entendez faire peser la force de vos revendications sur les entreprises industrielles, vous devez pouvoir faire face aux responsabilités des conditions nouvelles que vous avez suscitées. Nous sommes désireux de faciliter l’adaptation de l’entreprise à ce nouveau rapport de forces. À cet effet, nous favoriserons l’organisation de cercles d’études techniques, économiques et sociales dans l’usine. Nous donnerons des locaux à ces cercles, nous les autoriserons à faire appel, pour des conférences, d’une part aux techniciens de l’usine, d’autre part à des techniciens et économistes membres des organisations syndicales ; nous organiserons pour eux des visites de l’usine avec explications techniques, nous favoriserons la création de bulletins de vulgarisation ; tout cela pour permettre aux ouvriers, et plus particulièrement aux délégués ouvriers,