Page:Weil - La Condition ouvrière, 1951.djvu/236

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ments élémentaires qui se reproduisent dans des travaux très différents, d’après des combinaisons diverses ; et une fois mesuré le temps nécessaire à chaque mouvement élémentaire, on obtient facilement le temps nécessaire à des opérations très variées. Vous savez que la méthode de mesure des temps, c’est le chronométrage. Il est inutile d’insister là-dessus. Enfin, intervient la division du travail entre les chefs techniques. Avant Taylor, un contremaître faisait tout ; il s’occupait de tout. Actuellement, dans les usines, il y a plusieurs chefs pour un même atelier : il y a le contrôleur, il y a le contremaître, etc.

Le système particulier de travail aux pièces avec prime consistait à mesurer les temps par unité en se basant sur le maximum de travail que pouvait produire le meilleur ouvrier pendant une heure par exemple, et pour tous ceux qui produiront ce maximum, chaque pièce sera payée tel prix, tandis qu’elle sera payée à un prix plus bas pour ceux qui produiront moins ; ceux qui produiront nettement moins que ce maximum toucheront moins que le salaire vital. Autrement dit, il s’agit d’un procédé pour éliminer tous ceux qui ne sont pas des ouvriers de premier ordre capables d’atteindre ce maximum de production.

Somme toute, ce système contient l’essentiel de ce que l’on appelle aujourd’hui la rationalisation. Les contremaîtres égyptiens avaient des fouets pour pousser les ouvriers à produire ; Taylor a remplacé le fouet par les bureaux et les laboratoires, sous le couvert de la science.

L’idée de Taylor était que chaque homme est capable de produire un maximum de travail déterminé. Mais c’est tout à fait arbitraire, et inapplicable pour un grand nombre d’usines. Dans une seule usine, cela a pour résultat que les ouvriers costauds, les plus résistants, restent dans l’usine, tandis que les autres s’en vont ; il est impossible d’avoir suffisamment d’ouvriers costauds pour toutes les machines de toute une ville et d’arriver à une telle sélection sur une grande échelle. Supposez qu’il y ait un certain pourcentage de travaux nécessitant une grande force physique : il n’est pas prouvé qu’il y aura le même pourcentage d’hommes remplissant cette condition.

Les recherches de Taylor ont commencé en 1880. La mécanique commençait alors seulement à devenir une industrie. Pendant toute la première moitié du xixe siècle, la grande industrie avait presque été limitée au textile.