Page:Weil - La Condition ouvrière, 1951.djvu/237

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C’est seulement vers 1850 qu’on s’était mis à construire des tours en bâti métallique. Quand Taylor était enfant, la plupart des mécaniciens étaient encore des artisans travaillant dans leurs propres ateliers. C’est au moment même où Taylor commençait ses travaux que naquit la Fédération américaine du travail, formée de quelques syndicats qui venaient de se constituer, et notamment le Syndicat des métallurgistes. Une des méthodes de l’action syndicale consistait, vers cette époque, à limiter la production pour empêcher le chômage et la réduction des tarifs aux pièces. Dans l’esprit de Taylor, comme dans celui des industriels auxquels il communiquait progressivement les résultats de ses études, le premier avantage de la nouvelle organisation du travail devait être de briser l’influence des syndicats. Dès son origine, la rationalisation a été essentiellement une méthode pour faire travailler plus, plutôt qu’une méthode pour travailler mieux.


Après Taylor, il n’y a pas eu beaucoup d’innovations sensationnelles dans le sens de la rationalisation.

Il y a eu d’abord le travail à la chaîne, inventé par Ford, qui a supprimé dans une certaine mesure le travail aux pièces et à la prime, même dans ses usines. La chaîne, originellement, c’est simplement un procédé de manutention mécanique. Pratiquement, c’est devenu une méthode perfectionnée pour extraire des travailleurs le maximum de travail dans un temps déterminé.

Le système des montages à la chaîne a permis de remplacer des ouvriers qualifiés par des manœuvres spécialisés dans les travaux en série, où, au lieu d’accomplir un travail qualifié, il n’y a plus qu’à exécuter un certain nombre de gestes mécaniques qui se répètent constamment. C’est un perfectionnement du système de Taylor qui aboutit à ôter à l’ouvrier le choix de sa méthode et l’intelligence de son travail, et à renvoyer cela au bureau d’études. Ce système des montages fait aussi disparaître l’habileté manuelle nécessaire à l’ouvrier qualifié.

L’esprit d’un tel système apparaît suffisamment par la manière dont il a été élaboré, et on peut voir tout de suite que le mot de rationalisation lui a été appliqué à tort.

Taylor ne recherchait pas une méthode de rationaliser le travail, mais un moyen de contrôle vis-à-vis des ouvriers, et s’il a trouvé en même temps le moyen de simplifier le travail, ce sont deux choses tout à fait différentes. Pour