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Ouvrières :

Mme Forestier — Mimi — sœur de Mimi — Admiratrice de Tolstoï — Eugénie — Louisette, sa copine (jeune veuve avec 2 gosses) — Nénette — rouquine (Joséphine) — Chat — blonde aux 2 gosses — séparée de son mari — mère du gosse brûlé — celle qui m’a donné un petit pain — celle qui est atteinte de bronchite chronique — celle qui a perdu un gosse et est heureuse de n’en point avoir, et a perdu « heureusement » son 1er mari tuberculeux depuis 8 ans (c’est Eugénie !) — Italienne (la plus symp. de beaucoup) — Alice (la plus ant. de beaucoup) – Dubois (Oh, ma mère ! si tu me voyais !) — celle qui est malade, vit seule (qui m’a donné l’adresse de Puteaux) — décolleteuse qui chante — décolleteuse aux 2 gosses et au mari malade.

Mimi — 26 ans — mariée depuis 8 ans à un gars du bâtiment (connu à Angers), qui a fait 2 ans chez Citroën et est à présent chômeur, quoique bon ouvrier. Travaillait à Angers dans un tissage (11 fr. par jour !). Chez A. depuis 6 ans. A pris 6 mois à acquérir un rythme assez rapide pour « gagner sa vie » — au cours desquels elle a pleuré bien souvent, croyant qu’elle n’y arriverait jamais. A travaillé encore 1 an ½, quoique vite et bien, dans un état de nervosité perpétuelle (peur de mal faire). Au bout de 2 ans seulement est devenue assez sûre d’elle pour « ne pas s’en faire ».

Une de ses premières réflexions (je lui disais être exaspérée par l’ignorance de ce que je fais) : « On nous prend pour des machines… d’autres sont là pour penser pour nous… » (exactement le mot de Taylor, mais avec amertume).

Pas d’amour-propre professionnel. Cf. sa réponse le jeudi de la 6e semaine.

Incomparablement moins vulgaire que la moyenne.

Nénette (Mme A., 35 ans environ (?). Fils de 13 ans, fille de 6 ½ ans. Veuve. Plaisanteries et confidences à faire rougir un corps de garde, forment presque toute sa conversation. Vivacité et vitalité extraordinaire. Bonne ouvrière : se fait presque tj. plus de 4 fr. Dans la boîte depuis 2 ans.

Mais — respect immense pour l’instruction (parle de son fils « tj. en train de lire »).

Sa gaîté assez vulgaire disparaît la semaine où elle est presque tout le temps à l’arrêt. « Il faut compter sou par sou. »