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Page:Weil - La Connaissance surnaturelle, 1950.djvu/205

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l’énergie dans tel ou tel objet extérieur qui sert d’excitant, de manière qu’à moins que cet objet ne soit détruit, l’énergie végétative n’est jamais mise à nu dans les pires circonstances. C’est pourquoi elles sont funestes. L’homme qui s’y livre n’est pas le fils qui gaspille son héritage avec les prostituées, c’est le fils qui met son patrimoine dans une banque. Il n’aura pas faim ; il ne reviendra pas vers son Père.

La seule chose qui peut sauver un être humain de ce danger, c’est l’exigence. Si je crois voir du bien dans Napoléon, comment ne lui consacrerais-je pas une part de mon énergie ? Mais si je m’aperçois ensuite qu’il n’est pas assez bon pour moi, l’énergie que je lui aurai consacrée est perdue.

À ce moment j’ai le choix. Ou subir cette perte ; ou pour ne pas la subir, me mentir et me persuader qu’il est assez bon pour moi.

Les choses d’ici-bas ne servent de banque pour le patrimoine d’énergie dont nous disposons — banques où ce patrimoine peut se conserver et même s’accroître dans des proportions extraordinaires, grâce à d’heureuses spéculations — qu’au prix du mensonge à soi-même.

Quand le patrimoine est presque dissipé, qu’on est au bord de la misère totale, la tentation d’y avoir recours pour garder au moins quelques sous est presque irrésistible. C’est pourquoi une vie restreinte et obscure avilit souvent l’âme plus que la richesse et la puissance.

L’enfant prodigue a dépensé ses derniers sous.

Il faut n’avoir plus rien pour se tourner vers le Père.

Quand on a encore quelque chose, et qu’on se tourne vers le Père, c’est quelqu’un d’autre sous son nom.

Que je sois comme tes mercenaires. C’est-à-dire que, comme les choses inertes, je sois tout entier soumis à ta volonté.

« Tu ne m’as jamais rien donné. » « Parce que tout ce que j’ai est à toi. » Il suffit d’être sans libre arbitre pour être égal à Dieu.

Si on est véridique, chaque dépense d’énergie est une perte d’énergie, tant qu’il s’agit de l’énergie qui est son bien propre. On ne la place à intérêt qu’en mentant.