Page:Weil - La Pesanteur et la Grâce, 1948.djvu/108

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affaire est seule efficace, et elle n’est pas compatible avec une intention polémique.

Le freudisme tout entier est imprégné du préjugé qu’il se donne pour mission de combattre, à savoir que ce qui est sexuel est vil.

Il y a une différence essentielle entre le mystique qui tourne vers Dieu la faculté d’amour et de désir dont l’énergie sexuelle constitue le fondement physiologique, et la fausse imitation de mystique qui, laissant à cette faculté son orientation naturelle et lui donnant un objet imaginaire, imprime à cet objet comme étiquette le nom de Dieu. La discrimination entre ces deux opérations, dont la seconde est encore au-dessous de la débauche, est difficile, mais elle est possible.

Dieu et le surnaturel sont cachés et sans forme dans l’univers. Il est bon qu’ils soient cachés et sans nom dans l’âme. Autrement, on risque d’avoir sous ce nom de l’imaginaire (ceux qui ont nourri et vêtu le Christ ne savaient pas que c’était le Christ). Sens des mystères antiques. Le christianisme (catholiques et protestants) parle trop des choses saintes.

Morale et littérature. Notre vie réelle est plus qu’aux trois quarts composée d’imagination et de fiction. Rares sont les vrais contacts avec le bien et le mal.

Une science qui ne nous rapproche pas de Dieu ne vaut rien.

Mais si elle nous en fait mal approcher, c’est-à-dire d’un Dieu imaginaire, c’est pire…