Page:Weil - La Pesanteur et la Grâce, 1948.djvu/109

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Ce que la nature opère mécaniquement en moi, il est mauvais de croire que j’en suis l’auteur. Mais il est plus mauvais encore de croire que le Saint-Esprit en est l’auteur, C’est encore plus loin de la vérité.

Types différents de corrélations et passages entre contraires :

Par le dévouement total à une grande chose (y compris Dieu), donner toute licence en soi à la bassesse.

Par la contemplation de la distance infinie entre soi et ce qui est grand, faire du moi un instrument de grandeur.

Par quel critérium les distinguer ?

Le seul, je crois, est que la mauvaise corrélation rend illimité ce qui ne doit pas l’être.

Parmi les hommes (exception faite pour les formes suprêmes de la sainteté et du génie) ce qui donne l’impression d’être vrai est presque nécessairement faux et ce qui est vrai donne presque nécessairement l’impression d’être faux.

Il faut un travail pour exprimer le vrai. Aussi pour le recevoir. On exprime et on reçoit le faux, au moins le superficiel, sans travail.

Quand le vrai semble au moins aussi vrai que le faux, c’est le triomphe de la sainteté ou du génie. Ainsi saint François faisait pleurer ses auditeurs tout comme un prédicateur vulgaire et théâtral.