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LA LETTRE SOCIALE…

L’homme est esclave pour autant qu’entre l’action et son effet, entre l’effort et l’œuvre, se trouve placée l’intervention de volontés étrangères.

C’est le cas et pour l’esclave et pour le maître aujourd’hui. Jamais l’homme n’est en face des conditions de sa propre activité. La société fait écran entre la nature et l’homme.

Être en face de la nature et non des hommes, c’est la seule discipline. Dépendre d’une volonté étrangère, c’est être esclave. Or, c’est le sort de tous les hommes. L’esclave dépend du maître et le maître de l’esclave. Situation qui rend ou suppliant ou tyrannique ou les deux à la fois (omnia serviliter pro dominatione). Au contraire, en face de la nature inerte, on n’a d’autre ressource que de penser.

La notion d’oppression est en somme une stupidité : il n’y a qu’à lire l’Iliade. Et, à plus forte raison, la notion de classe oppressive. On peut seulement parler d’une structure oppressive de la société.