Page:Weil - La Pesanteur et la Grâce, 1948.djvu/228

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prince de ce monde. On n’a d’autre devoir à l’égard du social que de tenter de limiter le mal (Richelieu : le salut des États n’est que dans ce monde).

Une société à prétention divine comme l’Église est peut-être plus dangereuse par l’ersatz de bien qu’elle contient que par le mal qui la souille.

Une étiquette divine sur du social : mélange enivrant qui enferme toute licence. Diable déguisé.

La conscience est abusée par le social. L’énergie supplémentaire (imaginative) est en grande partie suspendue au social. Il faut l’en détacher. C’est le détachement le plus difficile.

La méditation sur le mécanisme social est à cet égard une purification de première importance.

Contempler le social est une voie aussi bonne que se retirer du monde. C’est pourquoi je n’ai pas eu tort de côtoyer si longtemps la politique.

Il n’y a que par l’entrée dans le transcendant, le surnaturel, le spirituel authentique que l’homme devient supérieur au social. Jusque-là, en fait et quoi qu’il fasse, le social est transcendant par rapport à l’homme.

Sur le plan non surnaturel, la société est ce qui sépare du mal (de certaines formes du mal) comme par une barrière ; une société de criminels ou de vicieux, fût-elle composée de quelques hommes, supprime cette barrière.

Mais qu’est-ce qui pousse à entrer dans une