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« Celui à qui peu est remis aime peu. » Il s’agit de celui chez qui la vertu sociale tient une grande place. La grâce trouve peu d’espace libre en lui. L’obéissance au grand animal conforme au bien, c’est là la vertu sociale.

Est pharisien un homme qui est vertueux par obéissance au gros animal.

La charité peut et doit aimer dans tous les pays tout ce qui est condition du développement spirituel des individus, c’est-à-dire, d’une part, l’ordre social, même s’il est mauvais, comme étant moins mauvais que le désordre, d’autre part, le langage, les cérémonies, les coutumes, tout ce qui participe au beau, toute la poésie qui enveloppe la vie d’un pays.

Mais une nation comme telle ne peut être objet d’amour surnaturel. Elle n’a pas d’âme. C’est un gros animal.

Et pourtant une cité…

Mais cela n’est pas du social ; c’est un milieu humain dont on n’a pas plus conscience que de l’air qu’on respire. Un contact avec la nature, le passé, la tradition.

L’enracinement est autre chose que le social.

Patriotisme. On ne doit pas avoir d’autre amour que la charité. Une nation ne peut pas être un objet de charité. Mais un pays peut l’être, comme milieu porteur de traditions éternelles. Tous les pays peuvent l’être.