Page:Weil - La Pesanteur et la Grâce, 1948.djvu/241

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légitimité sous sa double forme : loi et attribution du plus haut pouvoir. Une monarchie tempérée par des lois pourrait peut-être effectuer le mélange du Politique. Mais il ne peut y avoir de légitimité sans religion.

L’obéissance à un homme dont l’autorité n’est pas illuminée de légitimité, c’est un cauchemar.

La seule chose qui puisse faire de la légitimité pure, idée absolument dépourvue de force, quelque chose de souverain, c’est la pensée : cela a toujours été, cela sera toujours.

C’est pourquoi une réforme doit toujours apparaître, soit comme retour à un passé qu’on avait laissé dégrader, soit comme adaptation d’une institution à des conditions nouvelles, adaptation ayant pour objet non pas un changement, mais au contraire le maintien d’un rapport invariant, comme si l’on a le rapport 12/4 et que 4 devienne 5, le vrai conservateur n’est celui qui veut 12/5, mais celui qui de 12 fait 15.

L’existence d’une autorité légitime met de la finalité dans les travaux et les actes de la vie sociale, une finalité autre que la soif de s’accroître (seul motif reconnu par le libéralisme).

La légitimité, c’est la continuité dans le temps, la permanence, un invariant. Elle donne comme finalité à la vie sociale quelque chose qui existe et qui est conçu comme ayant toujours été et devant être toujours. Elle oblige les hommes à vouloir exactement ce qui est.