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Spiritualité du travail. Le travail fait éprouver d’une manière harassante le phénomène de la finalité renvoyée comme une balle ; travailler pour manger, manger pour travailler… Si l’on regarde l’un des deux comme une fin, ou l’un et l’autre pris séparément, on est perdu. Le cycle contient la vérité.

Un écureuil tournant dans sa cage et la rotation de la sphère céleste. Extrême misère et extrême grandeur.

C’est quand l’homme se voit comme un écureuil tournant dans une cage circulaire, que, s’il ne se ment pas, il est proche du salut.

La grande douleur du travail manuel, c’est qu’on est contraint de faire effort de si longues heures, simplement pour exister.

L’esclave est celui à qui il n’est proposé aucun bien comme but de ses fatigues, sinon la simple existence.

Il doit alors ou être détaché ou tomber au niveau végétatif.

Nulle finalité terrestre ne sépare les travailleurs de Dieu. Ils sont seuls dans cette situation. Toutes les autres conditions impliquent des fins particulières qui font écran entre l’homme et le bien pur. Pour eux, un tel écran n’existe pas. Ils n’ont pas quelque chose en trop dont ils doivent se dépouiller.