Aller au contenu

Page:Weil - La Pesanteur et la Grâce, 1948.djvu/50

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


VIDE ET COMPENSATION

Mécanique humaine. Quiconque souffre cherche à communiquer sa souffrance — soit en maltraitant, soit en provoquant la pitié — afin de la diminuer, et il la diminue vraiment ainsi. Celui qui est tout en bas, que personne ne plaint, qui n’a le pouvoir de maltraiter personne (s’il n’a pas d’enfant ou d’être qui l’aime), sa souffrance reste en lui et l’empoisonne.

Cela est impérieux comme la pesanteur. Comment s’en délivre-t-on ? Comment se délivre-t-on de ce qui est comme la pesanteur ?

Tendance à répandre le mal hors de soi : je l’ai encore ! Les êtres et les choses ne me sont pas assez sacrées. Puissé-je ne rien souiller, quand je serais entièrement transformée en boue. Ne rien souiller même dans ma pensée. Même dans les pires moments je ne détruirais pas une statue grecque ou une fresque de Giotto. Pourquoi donc autre chose ? Pourquoi par exemple un instant de la vie d’un être humain qui pourrait être un instant heureux ?

Impossible de pardonner à qui nous a fait du mal, si ce mal nous abaisse. Il faut penser qu’il