Page:Weil - Lettre à un religieux, 1951.djvu/70

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mettant au centre même de l’Église un miracle invisible et en quelque sorte purement conventionnel (seulement la convention est ratifiée par Dieu).

Dieu veut rester caché. « Votre Père qui habite dans le secret. »

Hitler pourrait mourir et ressusciter cinquante fois que je ne le regarderais pas comme le Fils de Dieu. Et si l’Évangile omettait toute mention de la résurrection du Christ, la foi me serait plus facile. La Croix seule me suffit.

La preuve pour moi, la chose vraiment miraculeuse, c’est la parfaite beauté des récits de la Passion, joints à quelques paroles fulgurantes d’Isaïe : « Injurié, maltraité, il n’ouvrait pas la bouche » et de saint Paul : « Il n’a pas regardé l’égalité avec Dieu comme un butin… Il s’est vidé… Il s’est fait obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la croix… Il a été fait malédiction ». C’est cela qui me contraint à croire.

L’indifférence à l’égard des miracles ne me gênerait pas, puisque la Croix produit sur moi le même effet que sur d’autres la