Page:Weil - Oppression et Liberté, 1955.djvu/48

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incapable à présent de jouer un rôle progressif dans le reste du monde que la bourgeoisie française après Thermidor, quand elle eut écrasé ces sans-culottes sur lesquels elle s’était appuyée. Les ouvriers réformistes sont aux mains de cette bureaucratie syndicale qui ressemble à la bureaucratie industrielle et à la bureaucratie d’État comme une goutte d’eau à deux autres, et s’agglutine mécaniquement à l’appareil d’État. Les anarchistes n’échappent à l’emprise de la bureaucratie que parce qu’ils ignorent l’action méthodiquement organisée. En face de cette situation, les polémiques des communistes oppositionnels, des syndicalistes révolutionnaires, etc., semblent pour le moins manquer singulièrement d’actualité.

Les communistes accusent les social-démocrates d’être les « fourriers du fascisme », et ils ont cent fois raison. Ils se vantent d’être, eux, un parti capable de lutter efficacement contre le fascisme, et ils ont malheureusement tort. Devant la menace fasciste, une question se pose aux militants. Est-il possible d’organiser les ouvriers d’un pays quelconque sans que cette organisation sécrète pour ainsi dire une bureaucratie qui subordonne aussitôt l’organisation à un appareil d’État, soit celui du pays lui-même, soit celui de l’U.R.S.S. ?

La sinistre comédie que jouent depuis déjà tant de mois, aux dépens du prolétariat allemand, la social-démocratie et l’Internationale Communiste[1] montre que la question est urgente, et peut-être la seule qui importe présentement.

  1. Les communistes les plus fanatiques devraient ouvrir les yeux devant l’appel lancé le 5 mars par l’Internationale Communiste. Depuis des mois et des mois, les oppositionnels sont injuriés parce qu’ils proclament l’urgence de propositions de front unique au sommet. Au début de février, le parti communiste allemand repousse fièrement, sans même offrir de négocier, le « pacte de non-agression » offert par la social-démocratie. Le 19 février,