Page:Weil - Oppression et Liberté, 1955.djvu/77

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ports, parfois l’outillage. La division du travail, elle, a des effets beaucoup plus étonnants. Tantôt elle permet d’obtenir une rapidité considérable dans l’exécution d’ouvrages que des travailleurs isolés pourraient accomplir aussi bien, mais beaucoup plus lentement, et cela parce que chacun devrait faire pour son compte l’effort de coordination que l’organisation du travail permet à un seul homme d’assumer pour le compte de beaucoup d’autres ; la célèbre analyse d’Adam Smith concernant la fabrication des épingles en fournit un exemple. Tantôt, et c’est ce qui importe le plus, la division et la coordination des efforts rend possibles des œuvres colossales qui dépasseraient infiniment les possibilités d’un homme seul. Il faut tenir compte aussi des économies que permet en ce qui concerne les transports d’énergie et de matière première la spécialisation par régions, et sans doute encore de bien d’autres économies qu’il serait trop long de rechercher. Quoi qu’il en soit, dès qu’on jette un regard sur le régime actuel de la production, il semble assez clair non seulement que ces facteurs d’économie comportent une limite au delà de laquelle ils deviennent facteurs de dépense, mais encore que cette limite est atteinte et dépassée. Depuis des années déjà l’agrandissement des entreprises s’accompagne non d’une diminution, mais d’un accroissement des frais généraux ; le fonctionnement de l’entreprise, devenu trop complexe pour permettre un contrôle efficace, laisse une marge de plus en plus grande au gaspillage et suscite une extension accélérée et sans doute dans une certaine mesure parasitaire du personnel affecté à la coordination des diverses parties de l’entreprise. L’extension des échanges, qui a autrefois joué un rôle formidable comme facteur de progrès économique, se met elle aussi à causer plus de frais qu’elle n’en évite, parce que les marchandises restent longtemps improductives, parce que le personnel affecté aux échanges s’accroît lui aussi à un rythme