Page:Weil - Oppression et Liberté, 1955.djvu/79

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relles d’énergie dépend pour une part considérable de rencontres imprévisibles, l’utilisation de matériaux inertes et résistants s’est effectuée dans l’ensemble selon une progression continue que l’on peut embrasser et prolonger par la pensée lorsqu’on en a une fois aperçu le principe. La première étape, vieille comme l’humanité, consiste à confier à des objets placés en des lieux convenables tous les efforts de résistance ayant pour but d’empêcher certains mouvements de la part de certaines choses. La deuxième étape définit le machinisme proprement dit ; le machinisme est devenu possible le jour où l’on s’est aperçu que l’on pouvait non seulement utiliser la matière inerte pour assurer l’immobilité là où il le fallait, mais encore la charger de conserver les rapports permanents des mouvements entre eux, rapports qui jusque-là devaient être à chaque fois établis par la pensée. À cette fin il faut et il suffit que l’on ait pu inscrire ces rapports, en les transposant, dans les formes imprimées à la matière solide. C’est ainsi qu’un des premiers progrès qui aient ouvert la voie au machinisme a consisté à dispenser le tisserand d’adapter le choix des fils à tirer sur son métier au dessin de l’étoffe, et cela grâce à un carton percé de trous qui correspondent au dessin. Si l’on n’a pu obtenir les transpositions de cet ordre dans les diverses espèces de travail que peu à peu et grâce à des inventions apparemment dues à l’inspiration ou au hasard, c’est parce que le travail manuel combine les éléments permanents qu’il contient de manière à les dissimuler le plus souvent sous une apparence de variété ; c’est pourquoi le travail parcellaire des manufactures a dû précéder la grande industrie. Enfin la troisième et dernière étape correspond à la technique automatique, qui ne fait que commencer à apparaître ; le principe en réside dans la possibilité de confier à la machine non seulement une opération toujours identique à elle-même, mais encore un ensemble d’opérations variées.