Page:Weil - Oppression et Liberté, 1955.djvu/82

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viendraient économiquement avantageuses en régime socialiste ou soi-disant tel. Il est plus raisonnable de supposer que dans ce domaine nous ne sommes pas loin de la limite du progrès utile ; et même, étant donné que la complication des rapports économiques actuels et l’extension formidable du crédit empêchent les chefs d’entreprise de s’apercevoir immédiatement qu’un facteur autrefois avantageux a cessé de l’être, on peut conclure, avec toutes les réserves qui conviennent concernant un problème aussi confus, que vraisemblablement cette limite est déjà dépassée.

Une étude sérieuse de la question devrait à vrai dire prendre en considération bien d’autres éléments. Les divers facteurs qui contribuent à accroître le rendement du travail ne se développent pas séparément, bien qu’il faille les séparer dans l’analyse ; ils se combinent, et ces combinaisons produisent des effets difficiles à prévoir. Au reste le progrès technique ne sert pas seulement à obtenir à peu de frais ce qu’on obtenait auparavant avec beaucoup d’efforts ; il rend aussi possibles des ouvrages qui auraient été sans lui presque inimaginables. Il y aurait lieu d’examiner la valeur de ces possibilités nouvelles, en tenant compte du fait qu’elles ne sont pas seulement possibilités de construction, mais aussi de destruction. Mais une telle étude devrait obligatoirement tenir compte des rapports économiques et sociaux qui sont nécessairement liés à une forme déterminée de la technique. Pour l’instant, il suffit d’avoir compris que la possibilité de progrès ultérieurs en ce qui concerne le rendement du travail n’est pas hors de doute ; que, selon toute apparence, on a présentement autant de raisons de s’attendre à le voir diminuer qu’augmenter ; et, ce qui est le plus important, qu’un accroissement continu et illimité de ce rendement est à proprement parler inconcevable. C’est uniquement l’ivresse produite par la rapidité du progrès technique qui a fait naître la folle idée que