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Page:Weil - Sur la science, 1966.djvu/100

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car, dans le domaine de la science, un tel lien ne peut être qu’imaginaire et par suite trompeur. Je ne puis cependant, dans la perception même, séparer ce lien d’imagination des liens réels qui constituent l’espace. La science réduit chaque observateur à être, non un être percevant, mais autant qu’il est possible analogue à un simple organe des sens. Toute tromperie possible de la part de l’imagination est supprimée, du fait que celui qui observe est strictement réduit à la prise qu’il exerce réellement sur les phénomènes observés ; cette prise, si petite qu’elle soit, existe toujours, car dans la mesure où le monde ne nous laisse aucune prise il échappe aussi entièrement à nos sens. C’est ainsi que la prise que nous avons sur le ciel consiste en particulier à en cacher les parties que nous voulons par des objets interposés ; aussi pour l’astronome le ciel étoilé n’est-il que des taches brillantes dans les quarts de cercle que détermine son réticule. Telle est la constatation. Comme les outils forment les pièces des machines, ainsi chaque observateur, autant que, par sa prise trop simple, il saisit les phénomènes compliqués qui le dépassent, est comme une pièce de la science. D’autre part, comme la géométrie la plus simple est comme enfermée en mon corps, d’autres corps sont fabriqués qui, tels que les lunettes astronomiques, en même temps qu’ils sont purs de tout mélange de sensibilité, enferment une géométrie supérieure ; ce sont les instruments. Ainsi, là où les hommes ne saisissent pas l’espace, la science les aide à supposer l’étendue. Car elle imite, par la construction de la géométrie, entre ce qui est constaté et l’étendue, cette liaison parfaite qu’établirait le travail. À cet effet elle imagine, pour ainsi dire, sous les phénomènes constatés, des combinai-