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Page:Weil - Sur la science, 1966.djvu/101

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sons d’outils simples, tels qu’en forment les machines. Ces modèles mécaniques des choses, elle ne prétend pas qu’ils reproduisent le monde ; cela n’aurait même pas de sens. Du moins permettent-ils de placer les phénomènes que nous ne saisissions pas en série avec ceux que nous saisissons, selon l’ordre géométrique du simple au complexe. Aussi tous les modèles mécaniques d’un phénomène, pourvu qu’ils le placent au même rang dans la série, sont-ils équivalents. Ou plutôt ils sont plus qu’équivalents, ils sont un, comme l’ellipse qu’un jardinier trace au moyen d’une corde nouée à deux piquets est la même que la section d’un cône ; et l’unité de tous ces modèles mécaniques est définie par ce qui exprime leur degré commun de complication, c’est-à-dire par une formule algébrique. Peut-être peut-on interpréter de la sorte la célèbre parole de Maxwell, que, quand on a obtenu un modèle mécanique d’un phénomène, on en peut trouver une infinité. L’on peut aussi comprendre ainsi comment l’analyse peut s’appliquer directement à la physique. Mais en une telle application, il est à craindre que ce qui la légitime soit oublié ; ce n’est que dans la géométrie, ce n’est que dans la mécanique que l’algèbre trouve sa signification. Si le but de la science était d’ajouter des connaissances vraies à l’entendement, peut être la science purement algébrique vaudrait-elle bien plus, ou tout au moins autant, que la science géométrique et mécanique. Mais il n’en est pas ainsi ; l’entendement ne peut retirer aucun profit de la science ; nous savons tout quand nous savons que le monde est étendu. La fin de la science est toute autre ; elle est d’abord de rendre l’esprit humain maître, autant que possible, de cette partie de l’imagination que la perception laisse libre, puis de le mettre en possession du monde ; et peut-être