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Page:Weil - Sur la science, 1966.djvu/53

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qui perpetuo in scholis sunt versati[1]. (X, p. 371.) Aussi son grand précepte, pour parvenir à la sagesse, est-il de ne point trop étudier. La perception elle même, qui a été considérée par tant de philosophes, à commencer par Spinoza, comme la connaissance la plus basse, est de même nature que la science, comme on voit par le célèbre passage du morceau de cire. « Quel est ce morceau de cire qui ne peut être compris que par l’entendement ou l’esprit ? Certes c’est le même que je vois, que je touche, que j’imagine… Ma perception n’est point une vision, ou un attouchement, ni une imagination, et ne l’a jamais été, quoiqu’il le semblât ainsi auparavant, mais seulement une inspection de l’esprit… et ainsi je comprends, par la seule puissance de juger qui réside en mon esprit, ce que je croyais voir de mes yeux. » Ce qu’il explique dans la Dioptrique par la comparaison de l’aveugle qui perçoit, non pas les sensations que cause la pression du bâton sur sa main, mais directement les objets au bout du bâton. Ce qui donne à Descartes de faire une théorie des sensations comme signes, par l’exemple des dessins, où nous voyons, non des traits sur du papier, mais des hommes et des villes (VI, p. 113). Et ce qui est remarquable, c’est qu’il use presque des mêmes termes dont il usera, dans les Réponses aux Cinquièmes Objections, pour expliquer que les lignes tracées sur le papier, loin de nous donner l’idée du triangle, ne sont que les signes du vrai triangle (VII, 382). Aussi Descartes trouve-t-il dans la perception une « géométrie naturelle » et « une action de la pensée qui, n’étant qu’une imagination toute simple, ne

  1. « … puisqu’on voit bien souvent que ceux qui n’ont jamais donné leur soin à l’étude des lettres, jugent beaucoup plus solidement et clairement sur ce qui se présente à eux, que ceux qui ont toujours fréquenté les écoles ».