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Page:Weil - Sur la science, 1966.djvu/85

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de l’esprit, c’est l’esprit même ; et si le monde peut ainsi réduire l’esprit à n’être qu’une chose finie, le monde est le plus fort, l’esprit périt. Mais cette action partielle n’est pas par elle-même action, elle ne me définit pas, la pensée infinie en dispose. Quoique réduit à exercer une prise misérablement peu efficace, l’esprit se retrouve esprit par le pouvoir infini d’ajouter à elle-même cette action finie. Par ce pouvoir, l’esprit échappe à la domination du monde, il égale le monde. Ainsi l’insuffisance même des idées claires témoigne pour moi de leur prix. Une idée claire ne constitue pas une connaissance, je ne fais acte de connaissance qu’au moment où j’ajoute une idée claire à elle-même et conçois qu’une telle addition est sans fin. C’est ainsi que j’ajoute un à un. Ce que je connais ainsi, ce n’est pas le monde ; une série n’est pour moi qu’un modèle ou un plan d’action. Mais ce modèle, c’est le modèle d’une action véritable, c’est-à-dire d’une action que rien ne limite, infinie en droit, qui me fait en quelque sorte égaler Dieu. Ainsi, autant du moins que le monde est soumis à mon action, l’ordre me donne le pouvoir de tenir le monde, dans sa totalité, en quelque sorte sous mon regard, de le passer en revue, de me fier à la certitude que d’aucune manière le monde ne dépasse ma pensée.

Si j’examine à présent en quoi consiste la prise que me laisse le monde et que les idées claires me serviront à définir, je trouve qu’elle n’est pas constituée par autre chose que par ce que je nomme le mouvement droit. Ce qu’est le mouvement, je n’essaierai pas de l’expliquer, puisque, sauf ma pensée propre, dont il ne procède point, rien n’est plus clairement connu par soi. Ainsi cette source inconnue des pensées que les sens et l’imagination ensemble produisent en moi, le monde, est défini