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Page:Weil - Sur la science, 1966.djvu/86

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comme quelque chose sur quoi j’agis par l’intermédiaire du mouvement droit. Cette idée de mouvement droit, conçue selon la puissance infinie par laquelle j’ajoute l’action à l’action, n’est autre que l’idée de droite. D’où le monde est encore défini comme ce qui reçoit la droite. À présent, puisque j’ai décidé de concevoir le monde, dans mon corps à corps avec lui, comme un lutteur, pour ainsi dire, semblable à moi, mais à tête innombrable, je vais combiner le mouvement droit avec le mouvement droit, la droite avec la droite. J’imaginerai par exemple un objet que je tire par une corde, et qui est en même temps tiré dans une autre direction ou retenu par un rebord ; l’objet ne pourra se mouvoir que dans une direction oblique par rapport à celle que je lui ai donnée. Ainsi se trouve défini l’oblique, qui est à la géométrie ce qu’est le nombre deux à la suite des nombres. Si je suppose à présent l’objet que je meus rattaché, non plus à une direction quelconque, mais à un point fixe, je définis le cercle ; si je le suppose rattaché à deux points fixes, je définis l’ellipse. Cette esquisse est grossièrement tracée, et je me trouve présentement incapable de pousser la série plus loin. Mais du moins je conçois tout d’abord que, si je considère la série sous un aspect un peu différent, le rapport d’une droite avec une droite parallèle joue le rôle de l’unité. Le rapport de deux droites qui se coupent suit immédiatement dans l’ordre de la complication ; la distance entre les droites n’est plus constante, mais elle change comme la suite des nombres ; c’est ici le moment d’énoncer ce fameux théorème de Thalès sur lequel est fondée la géométrie analytique. Toutes les autres lignes se trouvent définies de même, par rapport à la droite, d’après le degré qui marque leur distance à la droite dans la série.