lui resté tout seul entre les pattes de Cette grosse bête, avait bien envie de pleurer, mais il n'osait. L'aîné gravissait, tout en chancelant, les barreaux de l'échelle; Gavroche, chemin faisant, l'encourageaitpar des exclamations de maître d'armes à ses écoliers ou de muletier à ses mules: « Aye pas peur C'est ça! Va toujours! Mets ton pied là Ta main ici. Hardi! » Et quand il fut à sa portée, il l'empoigna brusquement et vigoureusement par le bras et le tira à lui. « Gobe » dit-il. Le môme avait franchi la crevasse. « Maintenant, fit Gavroche, attends-moi. Monsieur, prenez la peine de vous asseoir. » Et, sortant de la crevasse comme il y était entré, il se laissa glisser avec l'agilité d'un ouistiti le long de la jambe de l'élé- phant, il tomba debout sur ses pieds dans l'herbe, saisit le petit de cinq ans a bras-le-corps et le planta au beau milieu de l'échelle, puis il se mit à monter derrière lui en criant à l'aîné: « Je vas le pousser, tu vas le tirer. » En un instant le petit fut monté, poussé, traîné, tiré, bourré, fourré dans le trou sans avoir eu le temps de se reconnaître, et Gavroche, entrant après lui, repoussant d'un coup de talon l'échelle qui tomba sur le gazon, se mit à battre des mains et cria: « Nous y v'là Vive le général La Fayette! (1) » Cette explosion passée, il ajouta: « Les mioches, vous êtes chez moi. Gavroche était en effet chez lui. Le trou par où Gavroche était entré était une brèche à peine visible du dehors, cachée qu'elle était, nous l'ayons dit, sous le ventre de l'éléphant, et si étroite qu'il n'y avait guère que des chats et des mômes qui pussent y passer. « Commençons, dit Gavroche, par dire au portier que nous n'y sommes pas. » Et plongeant dans l'obscurité avec certitude comme quel- qu'un qui connaît son appartement, il prit une planche et en boucha le trou. Une clarté subite leur fit cligner les yeux; Gavroche venait d'allumer un de ces bouts de ficelle trempés dans la résine qu'on général La Fayette! c'était un cri de la rue. A cette époque, le général, La Fayette était très populaire.
Page:Weil et Chénin, Contes et récits du XIXe siècle - 1913.djvu/128
Apparence