Page:Weil et Chénin, Contes et récits du XIXe siècle - 1913.djvu/144

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Un jour, on le lança sur un ours. Il lui attrapa l'oreille et y resta suspendu comme une sangsue. L'ours avait beau lui donner des coups de griffes, le serrer contre son poitrail, le secouer dans tous les sens, il ne pouvait s'en débarrasser. A la fin, il se jeta à terre pour écraser Boulka, mais celui-ci ne lâcha prise que lorsqu'on l'eut arrosé d'eau froide. Je l'avais eu tout petit et l'avais élevé moi-même. Quand je partis pour le Caucase, ne voulant point l'emmener, je quittai la maison sans bruit, après avoir donné l'ordre de l'enfermer. Au premier relais, au moment où j'allais remonter en voi- ture, soudain je vis rouler sur la route quelque chose de noir et de brillant. C'était Boulka avec son collier de cuivre. Il s'élança au relais, se jeta sur moi, puis, me léchant la main, il s'étendit à l'ombre sous le traîneau. Sa langue pendait longue comme la main. Tantôt il la rentrait, avalait sa salive, tantôt s'avançait pour me lécher encore. Il haletait, ses flancs palpi- taient, il se tortillait de tous côtés; de sa queue, il frappait le sol. J'appris par la suite qu'après mon départ, il avait sauté par la fenêtre en brisant la vitre, et, me suivant à la piste, avait galopé sur la route, faisant ainsi près de vingt verstes (1) par une forte chaleur. Tolstoï, Œuvres, t. XIV. Traduction Bienstock (Stock édit.) . Un bon Chien Une pauvre fille de la campagne, la .Fosseuse, raconte son histoire. Toute jeune, elle a dû mendier son pain sur les routes. Le soir, elle couchait dansune grange, chez un aubergiste, le père Manseau: aban- donnée de tous, elle n'a eu que l'amitié d'un chien. L'AUBERGISTE AVAIT nu de sa chienne un petit chien, gentil comme une personne, blanc, moucheté de noir aux pattes; je le vois toujours, ce chérubin l Ce pauvre petit est la seule créature qui, dans ce temps-là, m'ait jeté des regards d'amitié; je lui gardais mes meilleurs morceaux; il me connaissait, venait au-devant de moi le soir, n'avait point honte de ma misère, 1 sautait sur moi, me léchait les pieds; enfin il y avait dans ses yeux quelque chose de si bon, de si reconnaissant, que souvent je pleurais en le. voyant « Voilà pourtant le seul être qui m'ajme bien! 1 fi. disais-je.' L'hiver, il se couchait à mes pieds. Je souffrais tant de le voir l. Versle i mesure itinéraire de Russie, valant 1 067 Mètres,