Page:Weiss - À propos de théâtre, 1893.djvu/220

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triomphe pour Corsican si Philéas Fogg manque son pari ! Mais quelle déroute pour l’excentricité, si le pari le plus excentrique qui fût jamais ne réussit pas ! Corsican n’hésite pas, il se dévoue pour la cause des excentriques en général. Il déclare que le voleur c’est lui, et qu’à preuve il tient à la disposition du détective la plus forte part des banknotes soustraites. Il faut savoir que le détective, d’après ses conventions avec la Banque, doit encaisser un tant pour cent sur ce qu’il aura réussi à ressaisir de l’argent du vol. Les raisons sonnantes sont donc pour qu’il relâche Fogg, qui a épuisé son viatique, et parce qu’il s’assure de Corsican qu’il sait bien muni. Le véritable voleur est le voleur qui fait prime. Fix met Corsican en état d’arrestation, tandis que Fogg court à la gare de départ. En ce moment, tout le monde se détourne de Corsican, excepté Néméa, que son cœur ne trompe pas et qui devine l’acte d’abnégation de son ami. Il y a là un instant d’émotion et de pathétique doux qui n’est pas rigoureusement nécessaire dans un drame à spectacle, mais qui ne le gâte pas.

Si l’on se plaçait au point de vue strict de l’art, le drame de MM. d’Ennery et Verne ne vaut pas, il s’en faut de beaucoup, le récit romanesque dont il est tiré. La variété des tableaux qui passent devant nos yeux ne dissimule pas la monotonie du système