Page:Weiss - À propos de théâtre, 1893.djvu/24

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que l’imbécile le sait : sa lettre, la lettre où il osait me parler de ce mariage, est pleine de confidences honteuses à cet égard. Un passé douloureux, m’écrivait-il, une âme incomprise, une réhabilitation à faire ! un tas de billevesées, enfin… »


Je prie le lecteur de remarquer les mots que j’ai soulignés. Je vais tâcher de lui faire bien sentir ce que j’entends par le trait factice, jeté au hasard sur la physionomie, et qui trouble et déconcerte ceux qui suivent la pièce avec attention. Une âme incomprise ! une réhabilitation à faire ! J’analyse des impressions rapides qu’on éprouve à la représentation quand ces mots, qui ne sauraient passer inaperçus, frappent l’oreille. On n’a pas encore vu Adelphe, le jeune homme dont il est question. Mais déjà il nous apparaît à travers sa lettre, en un premier trait distinct qui se fixe dans notre esprit. Cet Adelphe peut être un imbécile qui s’est laissé prendre aux belles phrases d’une intrigante ; nous n’inclinons pas moins, sans nous en rendre compte, à supposer des lueurs de noblesse d’âme chez un étourdi qu’on n’a entraîné que par une comédie de noblesse. Le dessein de réhabiliter par le mariage une fille tombée, est, selon les circonstances, plus ou moins sot et plus ou moins extravagant ; il n’est pas d’un mauvais cœur ni d’un cœur atrophié. Des souvenirs jaillissent devant