Page:Weiss - À propos de théâtre, 1893.djvu/282

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M. Sarcey n’en revenait pas, après tout ce qu’il avait déjà éprouvé dans les lycées. On le laissait libre de la direction de sa classe ! On avait confiance en lui ! On le traitait en coopérateur et non en subordonné et en esclave ! La vie changeait de couleur à ses yeux. Il devint tout de suite un autre homme. Il n’abusa pas de la confiance de son principal. Chez lui, sa classe faite, il lisait dans le texte Homère, Térence, Aristophane. En classe, il commentait devant ses petits Bretons Bossuet, Fénelon, Bourdaloue ; il y mettait la chaleur et l’enthousiasme qu’inspirent à un esprit comme le sien des orateurs et des écrivains comme ceux-là ; les petits Bretons y furent pris ; ils considéraient leur professeur de rhétorique comme un saint homme qui ne s’était pas encore décidé à revêtir l’habit ecclésiastique ; le bruit se répandit dans Lesneven que le collège possédait un prédicateur hors ligne ; la bonne femme, chez qui Sarcey demeurait, lui donna un chapelet béni à Notre-Dame-d’Auray, et il n’eut pas la cruauté de le refuser. M. Sarcey n’a connu la pleine félicité morale qu’au collège des prêtres de Lesneven ; c’est ce qu’il appelle dans sa vie de professeur la crise bienfaisante. Le pays, d’ailleurs, était agréable à habiter. Roscoff et la mer n’étaient pas loin. L’aubergiste, chez qui il prenait pension et « qui se vantait de n’avoir pas dessaoulé depuis vingt-