Page:Weiss - À propos de théâtre, 1893.djvu/319

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poétique que Sacountala. Le drame de Sacountala appartient à une époque relativement récente ; il a été composé par Calidasa, vers la fin du ve siècle de notre ère ou le commencement du vie. À ce moment, l’Occident retombait dans la barbarie. Au contraire, si l’on en juge par Sacountala, une civilisation et une culture psychique qui n’ont rien à envier aux siècles les plus avancés, florissaient dans l’Inde. Gœthe, Lamartine, Paul de Saint-Victor ont parlé de Sacountala avec un ravissement où il y a peut-être de l’excès. On serait contraint, si on jugeait l’œuvre ex professo, d’y signaler une ou deux maladresses scéniques assez forte ; le drame bronche à la péripétie. Mais la figure principale, celle de Sacountala, cette Esther et cette Griselidis de l’Inde, a été conçue par une imagination de grand poète et la conception a été réalisée par un maître en l’art de composer et d’écrire. Le flot de poésie, qui coule à travers le drame, est doux, frais et pur. On sent à la fois dans la pièce l’innocence et la maturité. Gœthe dit qu’on y trouve « la fleur de l’année commençante et les fruits de l’année déjà grandie, ce qui ravit et ce qui nourrit ». En modifiant un peu la pensée de Gœthe, je dirais qu’on saisit à la fois dans cette admirable pastorale, la marque de la nature et celle d’une société raffinée. Tout au juste, c’est du Florian qui serait tout à fait supérieur et