Page:Weiss - À propos de théâtre, 1893.djvu/360

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Êtes-vous jamais allé à Sainte-Pélagie dans les dernières années de l’empire ? Vous avez pu y entendre, au pavillon des politiques, tel compagnon cordonnier, arrêté la veille dans quelque vulgaire tumulte, vous dire naturellement : « Quand je serai dictateur ! » Voilà le premier aspect sous lequel se présente le napoléonisme, l’aspect de l’ambition individuelle. De ce napoléonisme, Victor Hugo n’a jamais cherché à éviter les atteintes pour lui-même. Rappelez-vous cette préface du temps de sa jeunesse, où il développe l’idée que, notre siècle ayant eu en Bonaparte son Charlemagne, il est nécessaire, il est immanquable que ce siècle ait son poète équivalent à Bonaparte. La chose est claire : Hugo sous-entend que ce poète ce sera lui ; préoccupation funeste qui a gâté chez lui bien des bonnes choses !

Mais le napoléonisme a un second aspect plus noble. De 1797 à 1806, la vie de Bonaparte a été un grand éblouissement national qui, après s’être éteint, a laissé dans les cœurs l’espérance qu’il se renouvellerait. Pour ce motif, la superstition de Napoléon, dangereuse ou non, chimérique ou non, s’est emparée puissamment des foules. Elle remplit le théâtre de Victor Hugo. Elle rayonne dans ses préfaces. C’est cette superstition grandiose qui s’exprime par la bouche de Charles-Quint dans Hernani, par celle de Barberousse dans les Burgraves. C’est elle qui