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l’île du docteur moreau

Je fus distrait de mes pensées par des cris d’oiseaux de mer, qui se précipitaient vers un objet noir que les vagues avaient échoué sur le sable, près de l’enclos. Je savais trop ce qu’était cet objet, mais je n’eus pas le cœur d’aller les chasser. Je me mis à marcher au long du rivage dans la direction opposée, avec l’intention de contourner l’extrémité est de l’île et de me rapprocher ainsi du ravin des huttes, sans m’exposer aux embuches possibles des fourrés.

Après avoir fait environ un demi-mille sur la grève, j’aperçus l’un de mes trois bipèdes obéissants qui sortait de sous-bois et s’avançait vers moi. Les fantaisies de mon imagination m’avaient rendu tellement nerveux que je tirai immédiatement mon revolver. Même le geste suppliant de la bête ne parvint pas à me désarmer.

Il continua d’avancer en hésitant.

— Allez-vous-en, criai-je.

Il y avait dans l’attitude craintive de cet être beaucoup de la soumission canine. Il recula quelque peu, comme un chien que l’on chasse, s’arrêta, et tourna vers moi ses yeux bruns et implorants.

— Allez-vous-en ! répétai-je. Ne m’approchez pas.