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l’île du docteur moreau

— Je ne peux pas venir près de vous ? demanda-t-il.

— Non ! allez-vous-en, insistai-je en faisant claquer mon fouet ; puis en prenant le manche entre mes dents, je me baissai pour ramasser une pierre, et cette menace fit fuir la bête.

Ainsi, seul, je contournai le ravin des animaux humanisés, et, caché parmi les herbes et les roseaux qui séparaient la crevasse de la mer, j’épiai ceux d’entre eux qui parurent, essayant de juger, d’après leurs gestes et leur attitude, de quelle façon les avait affectés la mort de Moreau et de Montgomery et la destruction de la maison de douleur. Je compris maintenant la folie de ma couardise. Si j’avais conservé mon courage au même niveau qu’à l’aurore, si je ne l’avais pas laissé décliner et s’annihiler dans mes réflexions solitaires, j’aurais pu saisir le sceptre de Moreau et gouverner les monstres. Maintenant j’en avais perdu l’occasion et j’étais tombé au rang de simple chef parmi des semblables.

Vers midi, certains bipèdes vinrent s’étendre sur le sable chaud. La voix impérieuse de la soif eut raison de mes craintes. Je sortis du fourré, et, le revolver à la main, je descendis vers eux. L’un de