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l’île du docteur moreau

Celui qui parlait me semblait réciter quelque baragouin inintelligible. Bientôt il articula d’une façon plus aiguë et, étendant les bras, il se leva.

Alors les autres se mirent à crier à l’unisson, se levant aussi, étendant les bras et balançant leur corps suivant la cadence de leur mélopée. Je remarquai la petitesse anormale de leurs jambes et leurs pieds longs et informes. Tous trois tournèrent lentement dans le même cercle, frappant du pied et agitant les bras ; une sorte de mélodie se mêlait à leur récitation rythmique, ainsi qu’un refrain qui devait être : Aloula ou Baloula. Bientôt leurs yeux étincelèrent et leurs vilaines faces s’animèrent d’une expression d’étrange plaisir. Au coin de leur bouche sans lèvres la salive découlait.

Soudain, tandis que j’observais leur mimique grotesque et inexplicable, je perçus clairement, pour la première fois, ce qui m’offensait dans leur contenance, ce qui m’avait donné ces deux impressions incompatibles et contradictoires de complète étrangeté et cependant de singulière familiarité. Les trois créatures qui accomplissaient ce rite mystérieux étaient de forme humaine, et cependant, ces êtres humains évoquaient dans toute leur personne une singulière ressemblance avec quelque animal