Page:Wells Ile du Docteur Moreau 1896.djvu/80

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
68
l’île du docteur moreau

familier. Chacun de ces monstres, malgré son aspect humain, ses lambeaux de vêtements et la grossière humanité de ses membres, portait avec lui, dans ses mouvements, dans l’expression de ses traits et de ses gestes, dans toute son allure, quelque irrésistible suggestion rappelant le porc, la marque évidente de l’animalité.

Je restai là, abasourdi par cette constatation, et alors les plus horribles interrogations se pressèrent en mon esprit. Les bizarres créatures se mirent alors à sauter l’une après l’autre, poussant des cris et des grognements. L’une d’elles trébucha et se trouva un instant à quatre pattes pour se relever d’ailleurs immédiatement. Mais cette révélation passagère du véritable animalisme de ces monstres me suffisait. En faisant le moins de bruit possible, je revins sur mes pas, m’arrêtant à chaque instant dans la crainte que le craquement d’une branche ou le bruissement d’une feuille ne vînt à me faire découvrir, et j’allai longtemps ainsi avant d’oser reprendre la liberté de mes mouvements.

Ma seule idée pour le moment était de m’éloigner de ces répugnantes créatures et je suivais sans m’en apercevoir un sentier à peine marqué parmi les arbres. En traversant une étroite clairière, j’entrevis,