Page:Weustenraad - Poésies lyriques, 1848.djvu/31

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Mais le poëte mort est-il donc tant à plaindre ?
Ne dort-il pas enfin d’un paisible sommeil,
Lui qui voulait dormir et qui n’a plus à craindre
Le désenchantement d’un pénible réveil ?
Qu’importe aussi sa chute à la foule qui gronde ?
Il n’est pas le premier que le dégoût du monde
À tué, jeune encore, à l’ombre d’un laurier,
Et, malgré la terreur dont l’avenir se voile
À l’heure solennelle où. s’éteint notre étoile,
Il ne sera pas le dernier.

D’autres viendront aussi demander à son ombre
Le courage fatal de mourir comme lui,
De quitter, sur ses pas, l’antre toujours plus sombre
Où l’âme croupit aujourd’hui ;
Des poëtes surtout viendront rougir sa cendre,
Et ce fleuve de sang, rien ne l’arrêtera,
Tant que le monde sourd ne voudra pas comprendre
L’homme qui lui dira :

Il faut à la mourante abeille,
Un peu de miel en hiver ;
À la frégate qui s’éveille
Le vent de la haute mer ;
Au vin consacré dans la cène
Un calice de vermeil ;
Au gland pour devenir un chêne
La rosée et le soleil.