Page:Weustenraad - Poésies lyriques, 1848.djvu/46

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Oui, des hommes à haute tête
Qui te doivent leur nom, leur fortune, leur rang,
Que ton bras a tirés de la foule muette,
Que ton cœur a nourris du plus pur de son sang,
Ces hommes-là te calomnient ;
Ils osent t’accuser de mériter ton sort,
Ils contestent tes droits, tes travaux, ils les nient,
Ils applaudiraient à ta mort.

Auraient-ils donc voulu, ces héros de théâtre,
Qu’au premier cri de guerre apporté par le vent,
Tu te fusses montrée à ton peuple idolâtre
Prête, le casque au front, à marcher en avant,
Prête à t’élancer seule, héroïne aveuglée,
A d’inégaux combats pleins de sanglants revers,
Où tu devais tomber et périr étranglée
Sous la main qui riva tes fers ?

Mais ces hommes, ma mère, à l’heure des batailles,
Ont été les premiers à fuir de tes murailles,
A mettre en sûreté leurs pénates d’argent,
Eux, les vrais chefs du peuple, eux dont le bras peut-être
Eût fait lâcher leur proie aux sbires de ton maître
Qui déchiraient tes reins de leur fouet outrageant.

Va ! console-toi donc, ma noble prisonnière !
Leur langage haineux ne doit pas t’émouvoir.
Jusqu’au terme fatal de ta noble carrière,