Page:Wharton - Les Metteurs en scène, 1909.djvu/188

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bancs près de l’embarcadère. Lui et elle, à cette minute, guettaient le même son : le sifflet du vapeur qui doublerait le promontoire voisin. Gannett se retourna pour regarder encore la pendule : c’était l’heure du bateau maintenant

Où irait-elle ? Que serait sa vie après qu’elle l’aurait quitté ? Elle n’avait pas de proches parents, elle avait peu d’amis. De l’argent, elle en avait assez ; mais elle demandait tant de choses à la vie, et si complexes et tellement immatérielles ! Il se la figura marchant nu-pieds à travers un désert pierreux. Personne ne la comprendrait, personne ne la plaindrait… et lui qui la comprenait et qui la plaignait, il était impuissant à lui venir en aide…

Il vit qu’elle s’était levée de son banc et qu’elle s’était avancée vers le bord du lac. Elle resta là, regardant du côté d’où devait venir le vapeur ; puis elle retourna au guichet, sans doute pour demander la cause du retard. Ensuite elle revint vers le banc et s’y assit, la tête penchée. À quoi pensait-elle ?

Le sifflet retentit soudain : Lydia tressaillit, et Gannett fit un mouvement involontaire vers la porte. Puis il revint à son poste et continua de l’observer : elle restait là, immobile, les yeux fixés sur la traînée de fumée qui précédait l’ap-